Vlad par Alain Maufinet

 

Prostré, dans sa cellule, un prisonnier est assailli par ses souvenirs les plus sombres. Privé de liberté, dans un geôle Russe, Vlad ne peut que laisser vagabonder sa mémoire en ouvrant provisoirement les portes de son passé. Il se remémore un article de journal qui, quelques années plus tôt, l’avait ébranlé. On évoquait un dignitaire de la Corée du Nord qui venait de tout perdre. Oncle du jeune dirigeant qui l’avait pourtant officiellement assuré de sa confiance totale, ce notable paraissait intouchable. L’annonce de sa chute lui était insupportable.

Les journalistes décrivaient une arrestation brutale en public. L’homme conduisait une réunion, quand deux militaires l’avaient enlevé de force de son siège, à la surprise générale. Personne n’avait su réagir, car de nombreux soldats cernaient les lieux. Leurs armes ne pouvaient que dissuader les plus téméraires. Le dignitaire avait été porté sans ménagement, comme un tapis, puis jeté dans le coffre d’un véhicule.

Vlad imagine les derniers jours de cet homme, en faisant le parallèle avec son propre cauchemar. À 8 heures cinquante-neuf, il avait un nom traduisant sa puissance, à 9 heures il n’était qu’un proscrit. Mais Vlad n’est qu’un ingénieur, devenu officier.

Il ressent le calvaire de ce notable enfermé dans une cellule, sans confort. Ses soutiens et ses amis d’hier restaient muets et inactifs. En fin de journée, un des proches de Kim Jong-Il venait lui suggérer une stratégie pour sauver sa vie. Reconnaître officiellement la liste de fautes dégradantes proposée par le juge était indispensable. Le prisonnier avait tenté, en vain, de se défendre, en se drapant dans son rôle de numéro deux officieux du régime. En apprenant qu’un tribunal militaire spécial venait de le condamner à mort, Jang Song-Thaek avait pris peur et accepté la proposition qu’on lui suggérait.

Devant un tribunal improvisé, le prisonnier confirma les aveux qu’il venait d’écrire sous la dictée le matin même. Il regrettait ses crimes odieux. De retour dans sa cellule, refusant son limogeage, il attendait. Résigné, acceptant de perdre sa puissance et son rang pour sauver sa vie, il se rassurait en pensant à ses périodes de disgrâce précédentes. Marié avec la tante du jeune dirigeant, il savait qu’il serait gracié puisqu’il avait accepté de coopérer. Il n’avait aucune pensée pour ses proches collaborateurs qui ne seraient pas épargnés. Le lendemain, Jang Song-Thaek entrevoyait la liberté lorsqu’un garde souriant ouvrit la porte de sa cellule. Au bout du couloir, il n’y avait qu’une cour fermée. L’éclat du soleil aveugla le prisonnier qui peinait à saisir sa situation. Avant de tirer, les fusils des militaires sans visages lui avaient laissé le temps de comprendre qu’il avait été abusé.

Vlad ébauche un triste sourire, il n’acceptera pas de se plier lui qui a été suspecté d’être un nazi. Ukrainien, il essaye de se convaincre qu’il saura résister sans faiblir. Des cris retentissent au fond du couloir. Une femme hurle et supplie. Vlad tremble et pleure en pensant qu’au fond d’une prison un prisonnier peut souffrir et disparaitre sans témoin. Contrairement à ce qu’il pensait Jang Song-Thaek avait eu de la chance. L’ombre d’une cellule peut effacer une vie.