Entre Tombouctou et la citée de l’or blanc.

Au loin Tombouctou…

 

Les vibrations de cordes s’intensifient. Les toiles ondulent et claquent contre les poteaux. Le Sahara m’enveloppe, son sable virevolte, son vent fouette ma tente. Couché sur les tapis de laine, les yeux tournés vers une voute vacillante, je ne peux qu’attendre. Ronflent les souffles, sifflent les ondes. Hier, je pensais me nourrir d’aubes lumineuses, de crépuscules fascinants. Je m’étais endormi après avoir entendu une étrange légende parcourant les lèvres de mes accompagnateurs. Ils murmuraient qu’au XI° siècle la gardienne d’un puit aurait encouragé quelques constructions à une dizaine de kilomètres du fleuve Niger. Tombouctou venait de naître.

La veille, j’avais refusé d’écouter les conseils de mes guides. Les lueurs ironiques de leurs regards me rappellent que j’ai eu tort. Mes certitudes font vaciller mes connaissances. Ce matin, un souffle brûlant s’impose et nous paralyse. Dorénavant, je vais écouter ceux qui connaissent leur région, même si ce n’est pas la première fois que je m’aventure aussi loin de Tombouctou. J’ai fui « la citée aux 333 saints » ou des soldats américains se comportent en conquérants, eux qui devraient aider, soutenir, accompagner. J’ai quitté le Sahel, je plonge dans un espace aride, le Sahara. J’ai rendez-vous avec l’harmattan qui inquiète les visages.

 

Depuis le réveil, j’ai noirci un paquet de feuilles.

« L’aube entrouvre lentement le manteau de la nuit. Ronan a la désagréable impression d’avoir quitté son lit. Ses bras sont attachés, un bandeau recouvre ses yeux. Cette sensation désagréable d’être sur le sol métallique d’une camionnette le pénètre de nouveau. D’incontrôlables frissons le parcourent. Le moteur du véhicule s’arrête. Des épaules le portent. Un long flottement le fait sombrer dans un sommeil sans rêves.

On le dépose. Ses mains peuvent bouger, palper un tapis. Un mot assaille son esprit torturé : « encore ». De nouveau allongé, la toile de tente qui lui sert de cellule est identique à celle de son enlèvement. Cette fois, aucune bosse ne marque sa nuque ; normal, ses ravisseurs ont agi pendant son sommeil. Jadis touriste à la recherche d’un bonheur perdu, Ronan vient de rechuter. Cette fois, aucun bruit n’entoure la tente. La chaleur est supportable. Rien n’indique que le jour a remplacé la nuit. « Vae Victis ! », bafouille le prisonnier qui retrouve la situation qu’il avait connue lors de sa capture à Sévaré.

Le brutal souvenir d’un homme à la balafre horrible l’assaille. Il revoit ce rictus teinté d’agressivité assombrissant une barbe ébouriffée. Une lame affilée et recourbée danse même devant ses yeux. Le souvenir se renouvelle, mais, étonnamment, le couteau de sacrifice n’entaille jamais sa chair. Cependant, sa mémoire le rassure : ce balafré est mort, s’il en croit le médecin militaire de l’armée mauritanienne. Un horrible soupçon le tenaille. Mais, avait-il dit la vérité ? »

Extrait de : « Otage au Mali ».

 

En nous proposant vos écrits, que pouvez-vous nous confier ?

Jeune, j’ai apprécié les épopées que proposent les grands auteurs. J’ai longtemps voyagé guidé par mes lectures, souvent en compagnie d’auteurs romantiques. Puis j’ai quitté mes terres, les gaves et la Garonne, pour franchir la ligne d’horizon.

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